07 octobre 2012

Entretien avec le général Boissan, "père de l'Arme" des Transmissions


Entretien avec le général Yves-Tristan Boissan, nous poursuivons notre grand tour d'horizon de l'armée de terre d'aujourd'hui. Commandant de l'Ecole des transmissions (Rennes) et à ce titre, "père de l'Arme", le général Boissan est saint-cyrien et ingénieur Supelec. Il a été chef de corps du 41ème RT (Senlis). Avec lui, et après la BFST, la Légion, l'Alat, le Génie et les Troupes de marine, nous nous penchons sur l'Arme des Transmissions, qui fête cette année son 70ème anniversaire. (Toute l'actualité de cet anniversaire en cliquant ici). Un symposium sur les Transmissions aura également lieu mercredi 10 octobre à l'Ecole militaire...
Mon général, que sont les Transmissions aujourd'hui ?
C'est évidemment une fonction opérationnelle extrêmement importante. Notre Arme fête cette année ses 70 ans. Elle a été créée en juin 1942, à la suite des leçons tirées de la défaite de 1940. Nous sommes les héritiers des sapeurs télégraphistes, qui appartenaient jusqu'alors au Génie. Les Transmissions en 2012, c'est environ10.000 hommes et femmes, spécialistes des systèmes d'information et de communication (SIC) et de la guerre électronique. 20% de nos effectifs servent au sein de la Dirisi (Direction interarmées des réseaux d'infrastructures et des systèmes d'information) du ministère de la défense, 40% au sein des unités interarmes - ce sont les 11 compagnies de commandement et de transmissions - et 40% au sein des régiments de transmissions regroupés en une brigade.

Entrons dans le détail de cette brigade...
Il s'agit de la B-TAC, la brigade de transmissions et d'appui au commandement dont l'état-major est à Douai (Nord). Nos régiments ont récupérés une partie des missions qui étaient jadis dévolues au régiment de commandement et de soutien des divisions, à savoir le soutien de quartier général, l'installation des postes de commandement en shelters et leur protection immédiate. La brigade regroupe cinq régiments, qui sont organisés sur le même modèle : il s'agit du 28ème RT (Issoire), du 40ème RT (Thionville), du 41ème RT (Douai), du 48ème RT (Agen) et du 53ème RT (Lunéville).

Et le 8ème RT, régiment historique, installé au Mont-Valérien ?
Nous descendons tous de ce régiment, le 8ème Régiment du Génie, celui des sapeurs télégraphistes de la guerre de 14-18. Il existe toujours, mais il est aujourd’hui subordonné à la Dirisi : c'est une unité interarmées de niveau stratégique, qui s'occupe des systèmes d’information et de communication d’intérêt stratégique.

Et la guerre électronique ?

Deux régiments s'y consacrent entièrement : le 44ème RT (Mutzig) et le 54ème RT (Haguenau). Ils sont rattachés à la Brigade du renseignement.

Pour les transmissions, qui fait quoi entre la Dirisi, la brigade, les unités interarmes ?
La Dirisi, qui relève du ministère et non de l'armée de terre, s'occupe des systèmes fixes entre la métropole, l'outre-mer et les différents théâtres sur lesquels sont engagées les forces armées. En revanche, la B.Tac et les compagnies arment les systèmes sur les théâtres. Les régiments de la B.Tac s'occupent des moyens lourds de haute capacité sur une zone géographique importante, avec (par exemple) les systèmes RITA et SYRACUSE - qui composent toujours l’ossature des télécommunications tactiques de (niveau corps d’armée et division), alors que les compagnies de commandement et de transmissions opèrent avec des moyens légers et mobiles sur le terrain, au plus près des forces (niveau de la brigade ou du GTIA).

Où en sont vos grands programmes d'équipement ?

Nous avons trois grands programmes de renouvellement de nos équipements. Le premier s’appelle Scorpion. Ce programme va modifier en profondeur les plates-formes de combat qui seront reliées entre elles, "infovalorisées" comme on dit dans notre jargon. Nous développons le SICS, le SIC Scorpion, qui sera un système d'information unique au niveau des brigades et des GTIA.
Deuxième équipement. Le poste radio appelé à succéder à l'actuel PR4G : il s'agit du programme interarmées baptisé CONTACT, fabriqué par Thalès et dont les premières commandes ont été passées récemment. Il est basé sur une technologie de radio logicielle, c'est à dire un ordinateur qui peut utiliser plusieurs formes d'ondes, par exemple en terrestre ou en sol-air. Il est également équipé d'un système de géolocalisation. C’est le poste de SCORPION qui rendra la NEB encore plus performante.
Enfin, la phase 3 de Syracuse - permettant d’établir des liaisons satellitaires - déjà très avancée. Il y a aura à terme 300 stations dans l’armée de terre, dont certaines portables à dos d'hommes. Certaines de ces stations pourront suivre le satellite alors qu'elles seront en mouvement.

Vous mettez en œuvre des systèmes complexes. Avez vous des difficultés pour recruter votre personnel ?
Le recrutement est une opération délicate, mais nous n'avons pas de difficultés qui seraient particulières aux spécialistes des transmissions. Toutefois, nous sommes dans la situation de toutes les administrations et entreprises de notre secteur, car nos technologies sont très souvent duales.
La question la plus difficile est celle de la formation, car notre personnel doit rester au meilleur niveau, dans un monde où les technologies évoluent extrêmement rapidement. Or, pour former le personnel, il faut avoir le temps de le faire. C'est, pour moi, l'enjeu principal.
Je voudrais noter au passage que nous sommes l'Arme la plus féminisée, avec environ 15% de nos effectifs.

Parlons des régiments de guerre électronique...
Chacun des deux régiments a sa vocation propre. Le 44 arme le centre de guerre électronique de Mutzig - ce sont des installations fixes de niveau stratégique et opératif. Le 54 dispose, lui, de moyens mobiles destinés à suivre les brigades au plus près des lignes de contact, afin d'être au plus prêt des réseaux adverses, pour les localiser et obtenir du renseignement. J'ajouterai la 785ème compagnie de guerre électronique, aujourd'hui à Rennes. Pour illustrer une des missions des soldats professionnels de la guerre Electronique, je citerai le rôle qu’ils jouent en Afghanistan pour neutraliser les engins explosifs improvisés (IED) par le brouillage radio.

Les Transmissions sont-elles engagées dans la cyberdéfense ?
Il faut qu'elles construisent leur place et  nous avons commencé à le faire depuis quelques mois sous l'égide de l'état-major des armées. Nous sommes déjà bien engagés dans le développement de nos capacités de lutte informatique défensive (pour protéger nos systèmes et nos réseaux), sachant que la lutte informatique active ne relève pas de de l’arme des Transmissions.

source: http://www.marianne2.fr/blogsecretdefense/

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